Il est beaucoup question ces temps-ci de la Turquie et de son président Recep Tayyip Erdoğan qui par ses actes et ses déclarations nous inquiètent. Pour trouver son cap dans cette affaire d’une rare complexité, il faut dans un premier temps s’imprégner de l’histoire de la Turquie puis de sa géographie. Dans un troisième article nous essaierons de nous faire une opinion en analysant les actions et les déclarations récentes de son président.
L’histoire de la Turquie est mouvementée
L’empire Ottoman
Soliman le magnifique se lance dans une politique de conquêtes couronnée de succès.
- Cependant en 1565, l’expansion de l’empire Ottoman marque un coup d’arrêt avec l’échec du siège de Malte défendue héroïquement et intelligemment par les chevaliers de Saint Jean de Jérusalem commandés par Jean de la valette. Ce dernier donnera son nom à la capitale actuelle de l’ile de Malte. l’empire est alors considérable, il s’étend sur bon nombres de pays arabes actuels et sur une partie de l’Europe centrale.
- 1840 : Le traité de Londres démantèle l’empire ottoman (voir la carte).
- 1918 : après une alliance avec l’Allemagne, la Turquie prend ses frontières actuelles.
De cette histoire, il reste une nostalgie turque de la grandeur passée, de solides inimitiés (pour le moins) des kurdes, des arméniens, des arabes, des grecs voire des russes …. - 1923 : (24 juillet) le traité de Lausanne impose des échanges de population entre la communauté musulmane de Grèce (500 000) qui doit rejoindre la Turquie et la communauté orthodoxe de Turquie (3 millons) qui doit rejoindre la Gréce (la moitié émigrerons vers les Etats-Unis). Les grecs restent marqués par le manque d’humanité de cet exode.
La révolution kémaliste
- 1923 – 1938 :
Inspirée par la France des lumières, Mustafa Kemal s’appuie sur l’armée pour faire la « révolution à toute vapeur ». Il ambitionne de faire de la Turquie un état laïque moderne : l’école est gratuite et obligatoire y compris pour les jeunes filles, l’alphabet ottoman est remplacé par l’alphabet latin. Le statut de la femme évolue : égalité avec les hommes, interdiction de la polygamie, de la répudiation et du port du voile, droit de vote et éligibilité, accès aux emplois administratifs. Le code civil s’inspire du code suisse, le code pénal du code italien et le code commercial du code allemand.
Cependant l’Etat contrôle les religions (Direction des affaires religieuses)
Enfin, en politique étrangère, la Turquie est fermement attachée au principe de neutralité, elle ne prendra pas part à la deuxième guerre mondiale.
La révolution kémaliste prendra fin en 1945, le parti démocrate obtenant la majorité des urnes.
La Turquie actuelle
- 1960 : Un coup d’état renverse le gouvernement au nom de l’armée, le parti démocrate étant accusé de violer la constitution pour rester au pouvoir. Il sera suivi en 1970 d’un nouveau coup d’état puis d’un troisième en 1980, la situation politico-sociale se dégradant .
- 1983-2002 : un parti politique islamique tente de prendre le pouvoir, il y parvient aux élections de 2002 (parti AKP). Erdogan devient premier ministre puis en 2003 président de la république.
L’histoire de la Turquie passe par Chypre la déchirée
L’ile de Chypre est emblématique de la complexité de la situation turque.
- 1925 : Chypre est une colonie de la couronne britannique.
Naissance d’un mouvement en faveur de l’autodétermination qui n’arrive pas à faire l’unanimité, les grecs souhaitant une union avec la Grèce. - 1960 : La république de Chypre devient indépendante sous la présidence de Mgr Makarios (orthodoxe grec) et la vice présidence de Fazil Küçük (turc).
- 1964 : Les tensions interethniques sont telles que l’ONU déploie une force de maintien de la paix.
- 1974 : le régime des « colonels grecs » tente un coup d’état pour renverser Mgr Makarios. Aussitôt la Turquie envahit Chypre et s’empare du tiers nord de l’ile poussant à l’exil 80000 chypriotes grecs. (voir la carte)
- 1983 : La « république turque de Chypre » est proclamée, reconnue uniquement par la Turquie.
- 2004 : La république de Chypre entre dans l’UE et adopte l’euro en 2008.
Actuellement l’ile est encore séparée par la »ligne verte » qui prend la forme d’un mur coupant ainsi Nicosie en deux (seul un point de passage est ouvert rue Ledra). La force de maintien de la paix est toujours présente avec des effectifs réduits. Les pourparler sur la réunification s’enlisent.
En synthèse
L’histoire de la Turquie lui a attiré de fortes inimitiés en raison de sa politique expansionniste et souvent brutale. Cependant, elle fait partie de toutes les institutions européennes et de l’OTAN depuis 1945. Elle demande son adhésion à l’Europe depuis 1987, mais la Turquie a bien changé et son adhésion à l’UE fait actuellement débat.
Au fil du temps l’histoire de la Turquie est passée d’un empire à une république laïque stricte, puis à un islam politique militant. Une constante se dégage, la « Turquie aux turcs » éventuellement par la force.
Jean-Claude merci pour cette leçon d’Histoire qui éclaire quant à la situation actuelle. J’avoue avoir beaucoup appris et cela renforce l’idée que tu défends de s’informer avant de claironner. Amitiés.
Je pense qu’il est bon de citer la question du génocide arménien de 1915, qui a peu de chances d’être reconnu, quel que soit le régime au pouvoir.
La donne politique a failli changer il y a quelques années avec une tentative de coup d’Etat avec de nombreux sympathisants parmi les militaires et les fonctionnaires.
Tu as parfaitement raison, la politique turque au fil des siècles s’est caractérisée par sa brutalité : le génocide arménien mais aussi les déplacements forcés de population dont les grecs se souviennent avec douleur ainsi que plusieurs progroms visant les non turcs (en particulier à Istamboul). La Turquie aux turcs semble être le fil conducteur.
Conclusion : il faut se méfier de la Turquie.