Notre démocratie est malade d’une concertation défaillante et d’une gouvernance très centralisée. Nos élites sont dépassées par la réalité du terrain et enfin, le gouvernement a du mal à s’organiser dans ces temps de crise. Réformer l’Etat? Est-ce souhaitable? Est-ce possible?
La réforme de l’Etat est nécessaire
Notre démocratie est malade
Quand le citoyen ne se reconnait plus dans dans les décisions de ses dirigeants, la démocratie est en danger. La valse hésitation gouvernementale dans la gestion du COVID et la cacophonie du milieu médical sur fond de lobbying pharmaceutique, en est l’exemple flagrant. Elle conduit à des décisions et une communication détachées des réalités du terrain. La confiance a disparu, alors pas étonnant que 60% des français ne souhaitent pas se faire vacciner. (ils se rappellent également que la communauté scientifique avait arrêté le nuage de Tchernobyl à nos frontières)
La confiance se mérite : elle se gagne peu à peu
La concertation avec les parties prenante est défaillante, le processus de décision n’arrive pas à associer les acteurs du terrain à la décision. La décision est « hors sol«
Dans les temps ordinaires du passé, les lourdeurs administratives pouvaient se justifier par un besoin de prudence et de qualité. Mais les temps ont changé, le monde va de crise en crise, toujours plus vite. Pour plus de rapiditè, la prise de décision nécessite des processus plus participatifs des forces vives du pays .
L’Etat doit devenir souple, félin et maneuvrier
Ces processus restent à trouver et à mettre en place ; un petit coup d’oeil vers les spécialistes de la crise (pompiers, militaires, industrie) pourrait être fructueux. Il faudrait certainement remettre en cause le bicamérisme et le mille-feuille administratif actuel. La V° république serait-elle à bout de souffle?.
Il ne s’agit ici que de la France, mais l’Europe ne semble pas mieux lotie.
La culture « hors sol » de nos élites
Il ne se passe une journée sans que j’entende des critiques contre les « costumes cravates », et leur culture « hors sol« , qui gouvernent et administrent l’Etat ; Nicolas Machiavel fut un des premiers à faire usage du mot stato dans le sens d’«unité politique d’un peuple qui le double et peut survivre aux allées et venues non seulement des gouvernements mais aussi des formes de gouvernement ». Cette culture « hors sol » de nos élites se manifeste de 3 façons différentes : sentiment de servir l’Etat (et pas la France), concurrence entre les élites (flagrant entre l’X et l’ENA), et enfin le sentiment diffus que l’erreur leur est inconcevable.
Servir l’Etat
Les hauts fonctionnaires au sein des cabinets ministériels sont au service de l’Etat (les grands serviteurs de l’Etat). Plus rarement parle-t-on de la France et des français. C’est ce que j’ai pu constater pendant les 2 années passées proche du cabinet du premier ministre.
La conséquence est fort dommageable pour la France, le gouvernement légifère et les français font leur vie comme ils peuvent en contournant ces textes souvent kafkaïens : on ne saurait les en blâmer.
En corollaire, l’Etat génère sa propre culture de management qui se traduit souvent par des contradictions, des absurdités, des surcouts et une perte de temps.
Concurrence entre les élites
La carrière de grand serviteur de l’Etat passe par une concurrence rude, les joutes se font à fleuret moucheté mais sans concession, surtout quand les écoles d’origine sont différentes. La méfiance est souvent la règle même entre camardes de promotion. Il est fort dommage qu’un potentiel intellectuel de ce haut niveau soit gaspillé dans des luttes picrocholines.
L’erreur est inconcevable : une confiance en soi excessive
Dans le brouillard des conscience, erre le sentiment diffus qu’un cerveau d’exception formé dans les meilleurs écoles de la république ne peut se tromper. Tout au plus le doute, qui demeure l’exception, conduira à demander son avis à un camarade issu du même moule « hors sol ».
Il faut reconnaitre que nos élites sont dotées de capacités intellectuelles hors du commun ; il ne faut donc pas casser mais réformer le fonctionnement de l’Etat et de ses serviteurs
La réforme de l’Etat est urgente
Quelques questions à se poser
Notre démocratie est malade, nos élites sont « hors sol », dés lors il convient de se poser certaines questions pour aller de l’avant faut-il :
- supprimer l’ENA, ou faut-il simplement réformer cette école en modifiant la culture qu’elle transmet?
- diminuer drastiquement le nombre de fonctionnaires diminuant ainsi la capacité d’élaborer de nouveaux textes?
- instaurer la parité (grandes écoles, monde du travail) dans les ministères?
- repenser le modèle de fonctionnement gouvernemental?
La crise est devenue la norme
La crise est la conséquence de tout évènement inattendu qui bouleverse le fonctionnement d’une organisation. Elle conduit à prendre des décisions dans un contexte qui se caractérise par :
- un effet de surprise
- un contexte de rupture
- un contexte d’urgence
Véritable défi pour les manager, les caractéristiques de la gouvernance de crise sont :
- l’importance des enjeux
- accélération du temps
- complexité (acteurs nouveaux et facteurs nombreux)
- montée du doute et du danger
- communication rapidement confuse et/ou contradictoire
Appliquer le management des temps « ordinaires » aux temps de crise, et c’est la catastrophe assurée.(exemple la gestion calamiteuse du COVID)
Quelques pistes pour la réforme de l’Etat
Le « mode projet », peut être utile pour son organisation et son processus. Que soit en cascade ou en mode agile, toutes les méthodes de gestion de projet définissent parfaitement les phases à suivre. Plus particulièrement une phase préalable de recensement de l’existant et de définition de l’objectif puis de recherche d’un effet majeur1 pourrait servir d’exemple. Le principe de qualité intégré pourrait être également être source d’inspiration.
Les acteurs de la gouvernance « usine à gaz » peuvent être répartis dans 3 cercles concentriques:
au centre : le président conçoit la politique à suivre, le gouvernement conduit cette politique (lois, décrets, règlements) le parlement vote les lois (assure le contrôle)
- 2° cercle : les comités « théodules » étudient et conseillent (ils sont actuellement très nombreux et coûtent cher). Par nature indépendant et irresponsables, ils servent parfois de point de chute à certains.( F Bayrou, J. Lang, S. Royal pour les plus connus……)
- dernier cercle : les parties prenantes qui tentent d’exécuter comme ils peuvent
Le « mode crise » resserre les liens entre les couches concentriques de management (unité de lieu, unité de temps, cohérence de la décision). Plus la situation s’apparente à une situation de crise et plus l’unité de lieu et de temps est nécessaire pour assurer la cohérence de la décision. Ainsi, les conseils de défense, comité restreint éloigné des parties prenantes doivent être réservés aux temps « ordinaires » ou à l’extréme urgence quand il vaut mieux une décision imparfaite à pas de décision du tout (mais c’est assez rare).
Ainsi, la gouvernance de l’Etat doit s’appuyer sur une organisation en nid d’abeille autour de l’exécutif sur la base de l’unicité de lieu et de temps pour une meilleure cohérence de la décision avec la réalité du terrain.
A quand le gouvernement dans un gymnase entouré de ses conseillers et des parties prenantes ?
La réforme de l’Etat est nécessaire et possible
L’organisation actuelle fonctionne plutôt bien en temps ordinaires, quoique la lenteur actuelle du processus décision-action n’est peut-être plus adaptée. La gouvernance de l’Etat est centralisée. Tout ce qui dirige et administre le pays depuis les ministres jusqu’aux guichetiers peine à se remettre en cause. Prisonniers de leurs us et coutumes, ils sont les otages du bien faire (dans le respect du règlement) et non de l’efficacité. Cette administration (que parait-il le monde nous envie) génère toujours plus de règles dans lesquelles elle s’empêtre. Une sérieuse remise en cause de l’Etat est plus que jamais nécessaire à l’époque où les GAFAM concurrencent leur légitimité.
La lenteur actuelle du processus information-discussion-décision-action n’est plus adapté à la rapidité du monde moderne. Elle favorise le passage à une organisation inspirée de l’organisation de crise.
La fonction publique a besoin de sang frais et d’idées nouvelles. Elle doit subir une cure d’amaigrissement et de simplification. Saura-t-elle se réformer en profondeur? Le bégaiement gouvernemental à l’occasion de la crise du COVID indique qu’il n’en prend pas le chemin.
Il y a urgence, mais alors que faire, comment le faire? et surtout qui va le faire?
1 Effet majeur : pour les militaires c'est la condition essentielle à réaliser sur les acteurs, le terrain, en un lieu, un moment et pendant un temps donné et qui concrétise le succès de la mission.
On n’a pas manqué de ministres en charge de faire le ménage dans ce domaine cher aux électeurs et contribuables. Quid des résultats ? Beaucoup d’acteurs servent la France et les Français sans faire partie de la Fonction Publique. Mais reconnaissons aussi que l’organisation (appropriée) de l’Etat est indispensable à la Nation et aux Français, et notamment en temps de crise. Je me garderais de proposer des changements structurels pendant cette période, on reconnaîtra peut-être in fine quelques mérites à l’action de nos pouvoirs publics; il sera sans doute plus facile d’adopter des réformes sur les carences dures observées comme telles par la grande majorité.
Bonjour Camarade,
Cet article me rappelle un constat que j’avais fait lors de mes séjours en OPEX.
En OPEX on fait en un jour ce qui se fait en une semaine en France, et en une semaine ce qui se fait en un mois, etc… C’est comme çà que les séjours en OPEX passent très vite ! Tout çà à cause des surcouches administratives, même dans les armées. Et j’étais dans la LOG, puis dans les OPS !
Deux raisons à mon avis :
1 – les Etat Majors opérationnels sont organisés pour éviter les redondances, partager les informations utiles et tendre vers l’objectif commun. Briefing tous les matins, orientations, exécution et évaluation.
2 – les officiers sont utilisés au bon niveau de l’exploitation de leurs compétences, souvent plutôt au dessus de leur niveau de départ, et ils assument leurs responsabilités sans devoir se justifier avant décision auprès d’un administratif quelconque.
Je ne sais pas si un conseil des ministres pourrait être organisé de cette manière, mais il y a sans doute des leçons à tirer !
Amitiés.
Signé : Jean Jacques CAHUET
ndlr : OPEX : opératios extérieures (le Mali actuellement)
LOG : Logistique
OPS : Opérationnels
Jean-Claude merci pour ce document qui met l’accent sur cette lourdeur administrative et son dépassement face à la situation actuelle notamment. Le seul point pouvant être positif actuellement quant à la lenteur à propos de la vaccination, c’est que cela permet un peu plus de recul sur la valeur du vaccin en cours. Mais je ne pense pas que cela ait été calculé !!! A titre d’exemple pour souligner la lourdeur administrative de notre pays, c’est que pour chapeauter notre système de santé il y a administrativement 15 structures différentes, dont la dernière qui vient d’être créée s’appelle « le haut conseil d’orientation pour la stratégie vaccinale ». Sans doute pour compter le nombre de flacons de vaccins manquant.
de la part de Maurice Jacob
Comme d’habitude, on a du mal à comprendre CONCRETEMENT ce que propose le gars.
Le lenteur de la vaccination a bon dos mais en quoi est-elle un problème et un symptôme ? Les difficultés de stockage du Pfizer (ainsi que les questions qu’on peut se poser sur ce type de vaccins) font que ça va lentement et qu’à part certains EXEMPLES dans les medias (là on touche peut-être un pb de propagande), QUI veut que ça aille vite ?
La réforme de l’Etat .. on en entend parler depuis des siècles .. donc ce n’est pas un pb mais une donnée de base.
A quoi sert l’Etat ? Pour la plupart des « citoyens », 1) à les emmerder 2) à gérer les urgences dans les domaines de la santé, de la sécurité, de l’éducation, des transports 3) à fournir un truc sur lequel taper
Les pbs ACTUELS me semblent causés par le fait que la macronie a très peu de gens qui étaient élus de terrain donc ils ont une vision « spéciale » des choses et des relations entre les gens.
Peut-être faudrait il un système comme aux USA où les fonctionnaires changent à chaque chgt politique
Quel déclassement ? En théorie, l’Angleterre est devant nous .. Vous aimeriez vivre là-bas ?
La Chine est devant nous .. Vous aimeriez vivre en Chine ?
Et sinon vous aimeriez vivre aux USA ?
donc le « déclassement » dont on parle est mesuré sur la base de QUEL classement ?
Cdlt
de la part de PM
Les lois des temps ordinaires sont là et les décisions du temps de la crise doivent s’y soumettre. A contrario, ça ralentit jusqu’à l’absurde.
On peut donc imaginer des lois à géométrie variable ou de leur affecter un niveau. En cas d’incendie, le règlement de copropriété sur le bruit disparaît au profit de l’évacuation.
La Macronie est tout aussi coupable que les autres, mais ni plus ni moins. Elle poursuit la logique d’inflation des droits en masquant l’inflation des contraintes que cela engendre.
La logique étatiste française veut que la loi peut/doit se mêler de tous les aspects de la vie du citoyen en lui dictant ce qui est bien de ce qui est mal, en créant une haute autorité chargée de placer les copains réfléchir au sujet en créant des nouveaux droits, de nouvelles taxes et parfois des subventions. Chaque information générant de l’émotion doit faire l’objet d’une loi. Ainsi, l’Etat devient l’alpha et l’oméga, celui qui peut tout, et surtout se substituer à la responsabilité de chacun.
Il y a quelques décennies, ce qui était défini comme crise recouvrait des évènements d’une ampleur très différente d’aujourd’hui. Une « simple » affaire de moeurs, si elle est médiatisée, pousse aujourd’hui nos politiques à vouloir légiférer dans les jours qui suivent, rajoutant des lois aux lois. Il y a donc toujours plus de sujets à traiter, toujours plus vite, toujours plus ridicules.
Dans une entreprise, en particulier quand les défis se multiplient et que la complexité du milieu augmente, on commence par se poser la question de sa raison d’être puis on se recentre sur celle-ci. On externalise ce qui n’est pas stratégique en s’assurant qu’on aura plusieurs fournisseurs et on supprime les gaspillages. On va même parfois jusqu’à faire du LEAN en donnant la responsabilité du résultat de ses actions au plus bas niveau. Bref, tout ce que ne fait pas l’Etat Français. Une réforme de l’Etat ne suffit pas, c’est sa raison d’être qu’il faut revoir.
On pourrait avoir les ministres et députés les plus ancrés au terrain possibles, tant qu’ils voudront à tout prix être décideurs sur tout, on continuera de se prendre les pieds dans le tapis à chaque crise. Des particuliers ont réussi à modéliser et produire en quelques semaines des embouts imprimés en 3D pour équiper des masques de plongé Decathlon et les transformer en respirateurs là ou il aurait fallu un appel d’offre, 6 mois d’études de dossier et des commissions en tout genre pour attribuer le marché. Sans parler de la production. On gagnerait plus à développer ce genre d’esprit d’initiative en arrêtant de tout réglementer plutôt qu’en cherchant à ajouter cette capacité à l’Etat (qui ne sera d’ailleurs pas celle nécessaire lors de la prochaine crise).
Bruno J
Bonjour Jean-Claude,
Merci beaucoup
J’ai participé en 2009 au volet logistique de la vaccination H1N1. Il y a beaucoup de similitudes entre les deux pandémies, notamment en termes de problématiques de vaccination (deux doses, populations cibles à risque, difficultés sur les vaccins, …)
Il semble que peu d’enseignements aient été tirés de cette période.
L’administration française et notamment les personnes de santé semblent bien là. Malheureusement, la suppression des lits d’hôpitaux, les mesures de réduction des coûts, … ont affaibli notre système de santé. Nous applaudissions les personnels de santé au début de la vaccination.
Les difficultés actuelles me semblent plus dues à une faiblesse du management et de nos élites que de l’administration dans son ensemble.
Notre déclassement est-il du à une classe politique incapable ou comme semble l’indique Edouard Philippe lors de son audition au parlement sur la crise sanitaire au risque pénal que nos élites politiques n’acceptent pas de prendre. Le refus de prendre ce risque induit un comportement « irresponsable » de nos dirigeants politiques.
Amitiés
A. M.